Récit d’un Triathlète aux confins de l’Extrême, Livigno, Le 3 septembre 2021

2H30, le réveil sonne.

Les yeux encore dans le brouillard et le  corps encore tout endormi. Il faut attaquer son premier petit déjeuner du matin. Difficile. Toutes les affaires sont rassemblées de la veille.

Dernier check rapide. Le coach Gégé prend les choses en main. 3H15, nous chargeons la voiture.

Le coach se rend avec mon vélo à la ligne de départ Natation pour s’assurer que la mécanique est ok. Arrivée au Lac de Livigno règne une ambiance d’un combat prêt à être livré. Les gigantesques flammes du feu édifié nous apportent chaleur et lumière mais alimentent aussi cette atmosphère toute particulière, mettant nos esprits à rude épreuve. Les doutes et les peurs chuchotent à nos oreilles.

Pour ma part, je résiste à leurs sons. Je regarde ces flammes étincelantes et me dis qu’il est temps d’affronter ma destinée : celui d’affronter cet ICON.


5H, le départ est lancé, et je me jette dans cette eau obscure qui vous saisit avec ses 12 degrés dans une aire ambiante de près de 5 degrés. Mon seul point de repère : les bouées des autres athlètes qui émettent une légère lumière. J’essaie de suivre tant bien que mal la trajectoire mais très difficile dans cette pénombre. A 1000 mètres de l’arrivée que j’estime, je ressens que mon corps se refroidit et il est temps que j’en termine. Je dérive aussi, me faisant ramener dans la bonne direction. Je sors enfin de l’eau au bout de 1H30. Mon corps est tout engourdi. Je peine à parler, et je répète plusieurs fois les mêmes mots. Ce fut une première difficile. Le coach Gégé entre en jeu, me récupère à la sortie de l’eau vacillant un peu, m’amène à la tente et me réchauffe. Il me prépare mes fringues et j’essaie de m’habiller tant bien que mal tellement je tremble de froid. Gégé m’aide. Il m’a fallu près de 25 min de transition pour être disposer à faire du vélo, qui plus se trouve retardé avec un problème d’attache que j’endommage.
Super Gégé a réussi à le réparer sans quoi je n’aurai pas pu prendre la route.
6H57 : départ vélo. J’essaie de me réchauffer et cela dure une bonne heure. Tenue Longue et 3 couches. Je quitte Livigno (1815 m) direction un premier col pour la mise en jambe et le réchauffement corporel (Forcola 2315 m). Après une brève descente, nous entrons en Suisse par le Col de Bermina  (2323m). Je « ride » au milieu d’un paysage époustouflant. La Suisse est magnifique ; les routes : un vrai billard. Je me fais plaisir à rouler, les vitesses s’envolent, position allongée. Le coach Gégé veille au grain et s’assure de mon mental, de mon niveau énergie. Il me propose des tenues adéquates en fonction du moment (température, vent, relief du parcours,…) de telle manière que je sois toujours à mon optimum. Un véritable Team support qui se voudra décisif sur course à pieds. Je traverse ainsi Saint Moritz, puis Zernez et arrive au pieds du Mont Stelvio. J’enfile cette fois une tenue courte pour le vélo. Je me sens bien, aucune fatigue. Mais que fût la surprise. Stelvio est un sommet à plier les guerriers Biker et à les rendre dingues avec ses 48 virages qui commencent seulement à 3-4 kilomètres du départ. Ses virages sont irréguliers ; c’est- à-dire de distances inégales donc difficile de se projeter sur ce mastodonte dont le pourcentage oscille entre 8% et 10,5%. La vue est vertigineuse et le sommet est loin. Je me résigne à découper les virages en 3 parties 48 au 20 pour du 20 au 10 et enfin le sommet. Le coach m’alimente et m’hydrate régulièrement tout au long de cette montée qui se veut sans fin. Mon compteur tombe régulièrement à 7-8km/h. Mon GPS m’indique être passé de 1851m de D+ à près de 3600 ou 3700 de D+! Ca y est, me voilà en haut (2757 m). Après la natation glacée, 2ème grosse victoire. S’ensuit une belle descente. Le coach me talonne juste derrière. En bas de la descente, changement de tenue, je repasse pour partie sur du long ; le temps se rafraîchit. Je suis à près 175km. Il me reste 20 km et je me dis que le vélo est fini. Et bien c’est mal connaître l’ICON qui me lance un dernier défi et qui me coûtera le sommet au Carossello 3000. Ce défi : le col de Foscagno (2291 m) sur 15 km de montée. Celui-ci m’a paru long, d’autant qu’une certaine impatience, lassitude du vélo s’installe. A cela s’ajoute le chrono qui s’envole me faisant comprendre que le Carossello se ferait jamais. Je garde tout de même l’objectif ; celui de finir cet ICON et ce marathon trail (parcours N°2). Après 195 km et près de 4.700 m de D+, je pose mon vélo. Le coach Gégé m’apporte mon sac CAP prêt à l’emploi. Je pars en tenue longue car le froid s’installe doucement mais surement. 18H10 ; J’attaque la CAP. Aucune douleur dans les jambes. Je me sens bien. Après un échauffement sur l’asphalte, je rejoins un sentier enclavé par un cours d’eau à gauche et la montagne à droite. Tout est calme, paisible et je suis seul dans son immensité montagnarde. C’est un parcours trail. La pluie commence à s’inviter. Je continue à courir sans y prêter attention. Arrivée au Lac, elle s’intensifie m’obligeant à ma veste pluie imperméable pour rester au sec. Et Là c’est le déluge. 2H de déluge pendant près de 20 km. Le coach me rejoint aux alentours du 10ème kilomètre. Mon sac n’étant pas étanche, il me le prend et met sous protection toutes mes fringues s’y trouvant grâce à des sac plastiques mis à la disposition sur le chemin piéton. Premier ravitaillement au 13ème, puis second au 15ème. Les premiers signes de fatigue se font ressentir. Le froid et l’humidité essaient de percer les 1ère couches de vêtements. Mon pantalon trempé devient conducteur de froid et le doute s’installe en moi. La nuit est là avec son obscurité totale. Nous devons porter la lampe frontale. On s’arrête au 19ème pour s’hydrater et manger un peu. A ce moment-là mon cerveau me dit vouloir faire stop, abandonné. Je reste silencieux en repartant de ce point ravito. Le coach me demande si ça va. Je lui réponds que je ne suis plus sûr de vouloir continuer, que je commence à être imprégné du froid et j’ai du mal à voir les 20 km restant se transformer en finishLine. Mon ami Gégé me connaissant bien, a vite compris ce qu’il fallait faire si je ne devais pas flancher. J’étais encore bien frais physiquement. Aucune douleur présente mais le moral en berne du fait du froid. Toute de suite, il m’oblige à porter le pantalon coup de vent (dernière cartouche qui se trouvait dans mon sac à dos). Ensuite, il me présente la stratégie pour finir la course en décomposant celle-ci. Je lui fais confiance et m’inspire donc de son expérience. Après quelques centaines de mètres, la machine est relancée. Je reprends un peu de plaisir à courir. La chaleur corporelle est revenue. La pluie s’est aussi arrêtée. On rattrape quelques compétiteurs qui emboitent notre pas. Mais c’est un nouveau coup dur : excès de sucre dans l’organisme qui me cause de sérieuses nausées que je dois gérer jusqu’au 30ème. La fin est proche et je dois l’éliminer au plus vite car cela m’empêche de respirer profondément. Me connaissant assez bien maintenant, j’arrête totalement le sucre et bois que l’eau. Plus de nourriture sucrée. Arrivé au checkpoint T3, je prends un mini-sandwich et un peu de thé. A l’instar d’une personne de jeu vidéo, ma barre énergétique est remontée à près de 90%. Le moral est bon et les jambes sont toujours là. C’est même incroyable. Après s’être changés, nous repartons donc pour ces 10 derniers km. Une belle ascension sur les pentes du domaine skiable nous attend. Nous longeons ensuite les balcons surplombant la ville de Livigno illuminée. Quelle magie visuelle. Nous parcourons en courant des sentiers très sympas et techniques à la frontale. La fin est proche, je le sens. Des points lumineux au loin bougent ; synonyme de présence humaine qui nous indiquent la dernière descente avant de franchir l’arche à 23H50. Quelle aventure cet ICON ! Que dire si ce n’est une véritable expérience mentale et physique, une vraie mise à l’épreuve. Je n’ai peut-être pas pu atteindre le sommet du Carossello 3000 mais j’ai pu finir mon ICON proprement, mon projet, du moins le début d’une longue série. Cet ICON est une satisfaction mais qui m’a rappelé aussi l’humilité que nous devons avoir face à de telles épreuves. L’entrainement est important et il faut se connaître. Cette victoire, je la dois aussi à ma Team support : le coach Gégé qui a su me ressaisir, maintenir ma combativité jusqu’au bout et transmettre en direct les moments forts de la course, et Bruno S. qui a transformé mon vélo en un véritable Xtrem Ironman Biker, prêt à en découdre avec l’Asphalte. Merci aussi à la famille VITIERE pour les quelques échanges d’encouragement lors de la course et de ravitos à l’entrainement lors de longue sorties vélos. Cette victoire, je la dois à ma petite famille qui ont accepté mes nombreux entraînements pendant de longues semaines et heures. Merci aussi à mes amis qui m’ont soutenu et un grand merci à mon Club, le SCA 2000 TRIATHLON qui était derrière moi et dont l’énergie de la gagne m’est parvenue !
Sébastien, Xtrem Ironman Finisher 
See you on next new challenge !

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